Le 8 juin 1914, le souper et la prière du soir étaient achevés vers 19h. Quelques minutes plus tard, un profond silence régnait dans le couvent endormi. Rêvant peut-être d’expulsions, maintes Sœurs crurent à un cauchemar, en écoutant dans la nuit des pas précipités de chevaux…. Cauchemar en effet, que le réveil, hélas ! ne dissipa point ! Dès onze heures du soir, des gendarmes à cheval cernent la communauté. Une brigade est postée à chacune des portes, depuis le presbytère sur le chemin de Sévignac, jusqu’au portail de l’artillerie, route nationale. De minuit à cinq heures, d’autres brigades les renforcent barrant toutes les issues qui donnent accès au couvent. Il pleut à torrents ; la lueur des éclairs, le bruit de la foudre, le vent qui souffle avec violence, tout contribue à faire de cette nuit une nuit lugubre ; et par une fenêtre ouverte et donnant sur la rue parviennent les cris douloureux d’une sœur agonisante. Les pauvres gendarmes, une cinquantaine, casqués et armés de leur carabine, sont réunis non pour arrêter des malfaiteurs mais pour chasser d’une maison qui leur appartient … des religieuses ! Les cloches du couvent sonnent, celles de la ville annoncent que la triste besogne va commencer. Six heures sonnent… Trois sommations „d’ouvrir au nom de la loi” sont faites à haute voix et les crocheteurs opèrent. Bientôt sous leurs coups, la porte cède et le sous-préfet de Dinan, le commissaire de police, le receveur de l’enregistrement suivis de seize gendarmes font irruption dans la cour d’honneur. Les perquisitions commencent dans la communauté… S’adressant à Mère Ste Thérèse (Supérieure Générale) le receveur dit : „au nom du gouvernement, je viens prendre possession de cet immeuble et je vous en demande les clefs.” Mère Ste Thérèse le regarde et, sans lui répondre, lit d’une voix ferme et en accentuant la diction, sa protestation contre l’œuvre indigne qui s’accomplit. "Monsieur, vous venez nous expulser, dites-vous, et m’ordonner au nom de la loi de sortir avec mes sœurs. Quelle est donc la loi française violée par nous ? Personne ne nous l’a dit, parce que personne ne pouvait nous accuser justement. Nous aimons la France, notre patrie, de toute notre âme, de toutes nos forces. Depuis un siècle bientôt, les Filles de Sainte Marie de la Présentation de BROONS, nos devancières et nous, nous lui avons accordé tout notre dévouement religieux. Aux enfants, nos Sœurs ont donné l’instruction dans de nombreuses écoles publiques et privées ; dans les hôpitaux de tout genre, elles se sont penchées sur les infirmes ; dans nos campagnes, elles ont visité les malades de jour et de nuit. Et nous sommes expulsées de notre Patrie ?… Nos statuts ont été approuvés conformément à la loi de 1904. Et nous sommes chassées !… Quel crime avons-nous commis ?… Le gouvernement français est le tuteur des congrégations. Sans leur donner aucune explication, il condamne à mort ses pupilles. Il les dépouille de leurs biens légitimement acquis et dont des décrets ont assuré la possession. Avec mes Filles, comme religieuse et catholique, je pardonne à ceux qui nous persécutent. Comme Française, avec elles et en leur nom, je proteste contre notre expulsion de France, contre la violence qui nous est faite, contre le vol des biens de la communauté que nos devancières nous ont transmis, dont je ne suis que la gardienne et dont, avec mes sœurs, je revendiquerai toujours la légitime propriété." Les expulseurs font le tour des pièces de la Maison-Mère à la recherche des religieuses… Devant la porte, une assez grande foule est venue … La population de BROONS, dans sa presqu’unanimité a été admirable et nos sœurs expulsées ont été accueillies à leur sortie par le cri „Vivent les sœurs !” De nombreuses familles leur ont offert l’hospitalité. Le lendemain de bon matin, les soeurs quittent BROONS pour se diriger les unes vers la Belgique et La Hollande, les autres vers St Malo où les attend „Le Fawn” à destination de Guernesey.
La congrégation de 1914 à… (4)
9 juin 1914- 9 juin 2014… Centième anniversaire de l’expulsion des sœurs de la Maison-Mère!
Zaterdag 7 juni 2014